Thursday, April 9, 2015

Une Culture Hors-Contexte / A Culture Out of Context: An Interview

Vous trouverez ci-dessous un lien vers l'émission "A Million Friends" dans laquelle j'ai discuté de mon expérience comme Franco-Américain vivant en Nouvelle-Angleterre. Comment fonctionne l'assimilation culturelle ? Qu'est-ce que cela signifie d'avoir une culture qui est hors-contexte ?

Au cours de cet entretien (en anglais), vous m'entendrez parler d'histoire, répondre à des questions personnelles et chanter.

Bonne écoute!
A Million Friends With Josh Cole


Below please find a link to the podcast "A Million Friends" where I am interviewed by Josh Cole. I discuss my experience as a Franco-American from New England. How does cultural assimilation work? What does it mean to have a culture out of context?

In this interview you will hear me speak of history, respond to some personal question, and play a little music with Josh.

Happy listening!

Sunday, April 5, 2015

Message d’un Franco-Américain aux Québécois

Un francophone de l’Ouest canadien de longue date s’inquiétait récemment de l’anglicisation accélérée du Québec ces dernières années. Il nous faisait part de cette pression grandissante de devenir bilingue pour réussir. Les jeunes perçevraient l’anglais comme plus moderne, le français comme ringard. Plus d’argent du côté anglais, mieux vaut s’éduquer, publier et transiger en anglais, etc.

Du déjà-vu à travers l’Amérique? Le natif du Québec demandait en anglais aux membres d’un groupe Facebook regroupant une multitude de Franco-Américains ce qu’ils souhaiteraient dire aux Québécois. Voici ma réponse.

Je mets parfois l'accent sur la survie considérable de la langue et de la culture du Québec dans la région de la Nouvelle-Angleterre. J'insiste aussi sur la perte de la langue et les effets de la perte de la culture et de l'assimilation sur les gens. Les deux réalités coexistent, et celle de « l’assimilation » est beaucoup plus complexe qu'on imagine. En 1970, il y avait 764 443 personnes en Nouvelle Angleterre, qui parlaient le français comme langue maternelle (Source : le recensement de 1970). Cela un siècle après les débuts d’une immigration massive et permanente des Canadiens-Français originaires du Québec.

Malgré de nombreuses tentatives pour assimiler les franco-américains, la survie dans cette région a été impressionnante. Même ceux qui ne parlent pas français ont conservé en grande partie la culture traditionnelle dans leurs pratiques religieuses, la cuisine, le folklore, les fêtes, la musique, les attitudes et croyances, l’histoire des familles, etc. Quatre cents ans de culture francophone ne disparaissent pas aisément.
Statue à Nashua, New Hampshire, honorant les travailleurs 
canadiens-français dans les usines 
au cours des XIXe et XXe siècles.

L'assimilation n’opère toutefois pas comme les gens pensent généralement. Ce qui se passe vraiment quand une minorité entre en contact avec une culture comme celle des Etats-Unis est une négociation complexe se déroulant entre la culture dominante et celle de la minorité (l’historien franco-américaine Mark Paul Richard a écrit à ce sujet dans son livre « Loyal But French »).

Différentes familles négocient leurs conditions de différentes manières. En cas de perte d'un marqueur culturel majeur comme la langue, la culture tend alors à entrer dans la clandestinité. Elle devienne « subterranenean » (en référence à l’ouvrage de Kerouac) et les négociations entre la culture de la minorité et la culture dominante s’individualisent.

Il s'agit de l'étape d'assimilation de ma famille lorsque mes parents ont déménagé tout d'abord des enclaves franco-américaines dans le Maine à la grande ville de Boston et puis quand ma famille a déménagé vers les banlieues. Les gestes et les paroles de ma famille étaient visiblement issus des cultures du Québec et de l'Acadie (ma grand-mère maternelle était Acadienne, mes autres grands-parents avaient des racines au Québec). Mais la culture était hors contexte et ce que faisait ma famille n’était pas nécessairement reconnu, même par nous-mêmes, dans le cadre d'une culture plus large parce qu'on parlait anglais chez nous.

Revenons à la question originale « ce que nous souhaiterions dire aux québécois? ». Je voudrais leur dire que le danger de l'assimilation et la perte de la langue sont réels et que cela peut commencer à se produire très rapidement. En conséquence, j'applaudis les efforts des québécois pour préserver leur langue et leur patrimoine par force de loi, au besoin. Je voudrais leur dire aussi que l'assimilation n'est pas un fichier binaire simple telle qu'une personne est un « nous » ou un « eux ». Nous n'étions pas transformés en « aliens » du jour au lendemain.

Un grand nombre d'entre nous sont encore Québécois dans nos cœurs et nos esprits sinon dans nos langues. Même après plusieurs générations, je me sens encore comme si je faisais partie du « grand-Nous » de Franco-Nord-Américains. L’assimilation est un phénomène complexe agissant à plusieurs niveaux, à l'instar de notre culture.

Je remercie Réjean Beaulieu de son aide rédactionnelle.